Établir les preuves scientifiques de son efficacité est un enjeu fort pour la profession chiropratique. Au niveau mondial, les chiropracteurs sont très investis dans la recherche sur les troubles musculosquelettiques. L’Association française de chiropraxie soutient la recherche en co-finançant la chaire internationale de recherche en santé musculosquelettique. Lombalgie, cervicalgies, céphalées de tension, épicondylite du coude… ces affections comptent parmi les indications pour lesquelles la chiropraxie apporte une réponse scientifiquement évaluée. Retour sur les plus récentes données de la science.
Dans son rapport de 2013 sur les thérapies complémentaires, l’Académie de médecine estimait « en accord avec un article récent sur l’état des connaissances en la matière, que les manipulations rachidiennes peuvent se montrer modérément efficaces sur la lombalgie aiguë, subaiguë ou chronique, sur la cervicalgie aiguë, subaiguë ou chronique, sur la céphalée d’origine cervicale, les états vertigineux d’origine cervicale, et à un moindre degré sur la migraine ».
Depuis 2013, de nombreuses publications dans des revues indexées à impact factor élevé sont venues conforter les bénéfices des traitements dispensés par les chiropracteurs, en particulier sur les lombalgies communes et les lombalgies chroniques, qui constituent un fléau sanitaire.
En 2019 et en 2020, deux études, parues dans le Bristish medical journal et dans Spine confortent l’efficacité des manipulations vertébrales sur la lombalgie chronique, en termes de diminution de la douleur et d’amélioration de la mobilité.
Plus récemment encore, une étude de 2022 publiée dans Chiropractic and manual therapies, met en exergue le fait que l’approche chiropratique permet de limiter l’utilisation des anti-inflammatoires, des infiltrations et de réduire les hospitalisations. En effet, cette étude réalisée dans un centre médical universitaire a comparé durant 6 mois les soins et les examens de patients souffrant de douleurs de dos, avec d’un côté 1363 patients traités avec un protocole de « soins spécialisés pour les pathologies du rachis » réalisé par un chiropracteur, et d’un autre coté 1329 patients traités par le parcours de soin « classique ».
Sur les 6 mois, il est constaté que : la consommation d’anti-inflammatoires (opioïdes), les hospitalisations, le nombre d’infiltrations, le nombre de consultations avec un spécialiste et le nombre d’imageries réalisées sont globalement diminués par deux pour les patients inclus dans le protocole de « soins spécialisés du rachis ».
Manipulation and mobilisation for neck pain contrasted against an inactive control or another active treatment
« Pour les douleurs cervicales aiguës et subaiguës, les séances multiples de manipulation cervicale ont été plus efficaces que certains médicaments pour améliorer la douleur et la fonction lors du suivi immédiat (un essai, 182 participants, qualité modérée) et à long terme (un essai, 181 participants, qualité modérée) ».
Cochrane Database Systematic Review, 2015
Association entre la manipulation chiropratique de la colonne vertébrale et la discectomie lombaire chez les adultes atteints de hernie discale lombaire et de radiculopathie : étude de cohorte rétrospective utilisant les données des États-Unis.
« Nos résultats suggèrent que le fait de recevoir une CSMT par rapport à d’autres soins pour la LDH/LSR nouvellement diagnostiquée est associé à une réduction significative des risques de discectomie sur un suivi de 2 ans »
BMJ Open, 2022.
Trager RJ, Daniels CJ, Perez JA, Casselberry RM, Dusek JA. Association entre la manipulation chiropratique de la colonne vertébrale et la discectomie lombaire chez les adultes atteints de hernie discale lombaire et de radiculopathie : étude de cohorte rétrospective utilisant les données des États-Unis. BMJ Open. 16 déc. 2022 ; 12(12) :E068262. DOI : 10.1136/bmjopen-2022-068262. PMID : 36526306 ; PMCID : PMC9764600.
Manipulation vertébrale pour la prise en charge des céphalées cervicogéniques : une revue systématique et une méta-analyse
« Les CGHA sont des maux de tête courants. La SMT peut être considérée comme une modalité de traitement efficace, cette revue suggérant qu’elle fournit des effets supérieurs, petits et à court terme pour l’intensité, la fréquence et l’invalidité de la douleur par rapport à d’autres thérapies manuelles. »
European Journal of pain, 2020
Non-pharmacological management of persistent headaches associated with neck pain: A clinical practice guideline from the Ontario protocol for traffic injury management (OPTIMa) collaboration
“Lors de la prise en charge de patients souffrant de maux de tête associés à des douleurs cervicales, les cliniciens doivent envisager une thérapie manuelle (manipulation avec ou sans mobilisation) de la colonne cervicale et thoracique pour les maux de tête cervicogéniques ».
European Journal of Pain, 2019
Neurophysiological mechanisms of chiropractic spinal manipulation for spine pain
“ La manipulation vertébrale inhibe les douleurs dorsales et cervicales en partie grâce à des mécanismes segmentaires de la colonne vertébrale et potentiellement grâce à des mécanismes périphériques régulant les réponses inflammatoires ».
European Journal of pain, 2021
L’effet des manipulations cervicales à grande vitesse et à faible amplitude sur le système musculo-squelettique : revue de la littérature
« Après avoir examiné la littérature, 21 des 74 articles ont été jugés utiles et pertinents par rapport à la question de recherche. Les résultats de la recherche montrent que les techniques HVLA, sur des sujets souffrant de troubles musculo-squelettiques, sont capables d’influencer la modulation de la douleur, la mobilité et la force à la fois dans la zone traitée et à distance. Les manipulations cervicales sont efficaces dans la prise en charge de la cervicalgie, de l’épicondylalgie, des troubles de l’articulation temporo-mandibulaire et des douleurs à l’épaule ».
First Provider Seen for an Acute Episode of Low Back Pain Influences Subsequent Health Care Utilization
“En utilisant les données 2015-2018 d'un grand assureur, cette analyse rétrospective s'est concentrée sur les patients (29 806) cherchant des soins pour un nouvel épisode de lombalgie. L'étude a identifié le premier prestataire choisi et a examiné l'année suivante son parcours de soin. L'utilisation totale des soins de santé était la plus faible chez les patients qui avaient d'abord eu recours à la chiropraxie ou à la kinésithérapie. La consommation de soins de santé la plus élevée a été observée chez les patients qui ont choisi le service des urgences ».
Physical Therapy, 2023
L’évaluation des risques associés à la chiropraxie est au cœur des pratiques des chiropracteurs, comme des orientations de santé publique et de recherche.
L’étude la plus récente étude, publiée dans la revue Nature, fait état d’un risque d’effet secondaire grave de l’ordre de 0,21 pour 100 000 consultations incluant des manipulations vertébrales.
S’agissant du risque spécifique de dissection artérielle, une étude de novembre 2022, publiée dans BMC Geriatrics, « parmi les bénéficiaires de Medicare âgés de 65 ans et plus qui ont reçu une manipulation vertébrale cervicale, le risque de dissection de l'artère cervicale n'est pas plus élevé que dans les groupes de contrôle. […] La manipulation vertébrale est couramment utilisée pour traiter les douleurs cervicales, et on estime à 1,7 million le nombre de bénéficiaires plus âgés de Medicare qui ont reçu des services de manipulation vertébrale chiropratique en 2008. Le Collège américain des médecins, l'American Pain Society, la Task Force on Neck Pain and its Associated Disorders et l'American Geriatric Society recommandent la manipulation cervicale pour la prise en charge des douleurs cervicales chez les personnes âgées. » Plus tôt, selon une étude de 2008 publiée dans l’European Spine Journal , la recherche suggérait que le risque accru de présenter une rupture artérielle après une consultation chez le chiropracteur serait lié aux symptômes précoces de cette dissection (maux de tête et douleurs cervicales) qui conduisent le patient en consultation. A cet égard, l’étude relève que le risque de présenter une dissection artérielle est accru dans la même mesure, et vraisemblablement pour les mêmes raisons, après un rendez-vous chez le médecin généraliste.
Ces risques sont à mettre en perspective avec les bénéfices et risques associés aux traitements médicamenteux pour les mêmes indications. Les risques associés au paracétamol comme aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens sont bien documentés. Une recherche publiée en mars 2023 dans le BMJ est intéressante dans cette perspective . Elle souligne une nouvelle fois l’efficacité toute relative de l’approche médicamenteuse de la lombalgie. Dans une étude plus récente encore, publiée dans Spine en 2023, on lit que « les avantages et les inconvénients de toutes les interventions examinées sont incertains en raison du manque d'essais menés chez des patients souffrant de lombalgie chronique non spécifique sans radiculopathie. D'après les quelques essais réalisés, les interventions non-pharmacologiques d'acupuncture et de manipulation vertébrale apportent des bénéfices plus sûrs que les interventions pharmacologiques ou invasives. Toutefois, d'autres recherches sont nécessaires. Les opioïdes et la chirurgie ont été jugés très nocifs ».
Pour autant, les chiropracteurs ne minimisent pas les risques et sont de longue date très attentifs à la détection des signes cliniques d’alerte – dits Drapeaux rouges – qui doivent permettre au praticien de déceler une contrindication à la pratique des manipulations vertébrales. En France, l’Association française de chiropraxie a d’ailleurs pris l’initiative d’une fiche mémo relative à l’évaluation du patient atteint de cervicalgie et prise de décision thérapeutique en chiropraxie. Cette fiche a été conçue en suivant le protocole de la Haute Autorité de Santé, qui lui a accordé son label en 2017.